De plus en plus de femmes talentueuses sont choisies pour intervenir dans des dossiers délicats, voir médiatiques et montent au front pour assurer la défense de leurs clients. Nous négocions, nous débattons, nous allons en prison, nous plaidons dans les cours d’assises. D’immenses avocates deviennent ainsi le modèle d’étudiantes et de jeunes avocates qui, j’en suis certaine, prendront un jour prochain le relais. Je ne peux que m’en réjouir moi qui n’avait, il y a 20 ans, que des modèles masculins.
Et pourtant…
« Et ça porte quoi sous sa robe une petite avocate ? » – entendu il y a 15 jours lors d’un dîner.
« Tu l’as eu comment ce client dis-moi c’est bizarre qu’il t’ait choisie ? » – entendu il y a 2 mois au tribunal.
« Ah, vous venez de Paris rien que pour lui ? » – entendu en début de semaine en audience.
« Vous êtes la collaboratrice de quel avocat, Maître » – entendu l’année dernière à la cour d’assises.
Je ne m’en plains jamais. J’encaisse et je trace ma route depuis bientôt 14 ans.
Je pensais bêtement qu’arrivée à 40 ans, ce genre de commentaire cesserait avec l’apparition des premières rides sur mon visage, mais je me suis malheureusement trompée et pour tout vous dire, je commence à en avoir assez, et je pèse mes mots, de ces allusions méprisantes envers les avocates.
La coupe est pleine !
Récemment, j’ai vu l’interview d’une consœur ayant défendu des prévenus dans les dossiers d’émeutes. Elle faisait état de la sévérité des peines prononcées dans ses dossiers. J’aurai pu m’attendre à des commentaires sur le contenu de son intervention, mais voici ce que j’ai lu :
« Un jour, faudra qu’on parle de la relation entre les avocates et les jeunes délinquants ».
« Des relations aux parloirs, cameront brouillée à ce niveau-là »
« C’est compliqué de se coiffer devant une caméra ? »
« Des bandeuses de racailles »
« La relation est tarifée »
« Les badboys, ça a toujours excité les femmes, enfin pas mal… »
« Fantasme de façade : à la fin, elles se chopent un bon vieux blanc bien bourgeois quand il est l’heure de fonder une famille »
« Elles espèrent toutes rencontrer Jacques Mesrine et vivre l’aventure Bonnie and Clyde. Sortie de leur routine de bourgeoise blanche qui les presse pour vivre le grand frisson de l’interdit. Renforcer ce sentiment de supériorité d’être un white savior à l’avant-garde sociétal ».
Une avocate défend des prévenus et forcément, on s’interroge sur l’éventualité de relations intimes entre eux. Il faut être honnête : ces commentaires ne concernent jamais les avocats. Toujours les avocates.